Chevelure Bouclée...

Publié le par Gorgonzolla

J'adore prendre les transports en commun... Quand on a le temps, c'est le meilleur endroit pour observer le comportement des uns et des autres et  parfois, c'est un peu comme si on se passait un DVD de Lelouch...

Dimanche dernier, je prenais le train pour revenir sur Paris après un week-end ensoleillé passé dans le Sud-Ouest.  Un long métrage de cinq bonnes heures en perspective... Heureusement que les acteurs et les nombreux figurants ont été à la hauteur...

Dans le rôle principal, la jeune femme qui était assise en face de moi.  Lorsque je suis monté dans le wagon, elle était déjà là et m'a regardé m'installer. Je lui ai dit bonjour, elle a semblé étonnée et m'a retourné mon salut.

Look jeune, assez soigné, de grands yeux verts, des lunettes de soleil portée "à la parisienne" (...c'est à dire monture placée en travers de sa chevelure bouclée), des petites baskets noires estampillées le Coq Sportif. Je dis "look soigné", mais je devrais plutôt parler de "look étudié"... Car de la chemise à motifs rouges et noirs au pantalon noir à fines rayures rouges en passant par les baskets (noires, si vous avez suivi...),  rien ne semblait avoir été laissé au hasard dans le choix des couleurs qui s'accordaient plutôt harmonieusement.

Le train repart. Elle semble absorbée par la lecture de son livre. "L'Arbre aux Secrets", de Santa Montefiore. Le temps passe, "l'Arbre aux Secrets" s'effeuille petit à petit. Mon iPod égrène une à une les chansons du répertoire de Vincent Delerm. Fanny Ardant, La Vipère du Gabon, les filles de 1973, etc.

De temps à autre, on se fait involontairement du pied, esquissant à chaque fois un sourire gêné en prononçant le petit "pardon" d'usage... Mais bon, qu'est ce que c'est agréable un petit sourire gêné...

De temps en temps, je la regarde lire. Elle semble captivée. Je trouve cette captivation à la fois exquise et fascinante. Fascinante au point d'oublier que dans ma jeunesse, ma maman m'avait toujours dit qu'il était impoli de fixer les gens. A plusieurs reprises, la jeune femme, se sentant sans doute observée, a levé son regard et a surpris le mien.

C'est étrange, moi qui m'entraînais lors de mes trajets de métro à soutenir les regards les plus appuyés et qui parvenait à faire détourner les regards les plus inquisiteurs, je ne pouvais m'empêcher de regarder aussitôt la vitre à chaque fois que nos regards se croisaient... Je n'avais jamais autant perdu au jeu du regard, un jeu dont j'avais moi-même  inventé les régles, un jeu dont j'étais le champion incontestable et incontesté jusqu'à présent...

Chaque fois, je la re-défiais à nouveau, chaque fois je perdais mon défi, jurant qu'au prochain coup, je gagnerais... C'était plus fort que moi, son regard magnétique attirait le mien...

Gare de Poitiers, l'Arbre aux Secrets est sérieusement entamé... Il se fait tard, les paupières sont un peu plus lourdes. La jeune femme se dit sans doute qu'elle ne parviendra pas à terminer son roman avant que le train n'arrive à Paris car d'un coup, elle se met à tourner les pages plus rapidement, lisant en diagonale, arrivant rapidement aux dernières pages qu'elle dévore littéralement... D'un coup, elle referme alors son livre et le range dans son sac.  Sur le moment, je me dis qu'il s'agit peut-être d'un roman policier et qu'elle est allé directement à la fin pour savoir qui a tué le Colonel Moutarde. Chouette, une nouvelle pièce au puzzle: outre le fait qu'elle est très forte au jeu du regard, Chevelure Bouclée est impatiente...

Elle chausse ses lunettes noires et se met à dormir. Je l'observe de temps en temps du coin de l'oeil. Mais je suis vite gêné. "On ne regarde pas les gens dormir" me dit mon petit Jiminy Cricket... Bon, allez, une dernière fois... Je la regarde dormir, essayant de sonder ce qui se cache derrière le mystère de ces lunettes noires. Tout d'un coup, elle se réveille (où alors faisait elle semblant de dormir?) et je vois nettement ses yeux verts me regarder d'un air amusé. Instantanément, je me mets à regarder les lampadaires défiler le long de la voie ferrée... Caramba! encore raté!

Je n'ai plus osé la regarder jusqu'à l'arrivée du train à Paris. Je l'ai alors aidée à descendre sa lourde valise rouge. Elle m'a remercié et m'a dit  "Au revoir" avec un délicieux sourire.

A y réfléchir, je n'aurais jamais osé aborder cette jeune femme. Mais si un jour je la revois, j'aimerais lui poser plusieurs questions...

1) A t-elle apprécié ou non l'Arbre aux Secrets? Après une rapide recherche sur Internet, il ne s'agit pas d'un roman policier mais plutôt d'un roman sentimental

2) Chausse-t-elle du 37 ou du 39?

3) Pourquoi m'a t-elle souri derrière ses lunettes?

4) Aurait-elle aimé que je l'interrompe dans sa lecture et qu'on discute pendant le voyage ou même, qu'on joue pour de vrai au jeu du regard ?

Lecteurs, lectrices, donnez moi vos avis et par la même occasion, dites moi si demain, vous voulez  connaître l'histoire du petit couple de retraités qui s'est déroulée en paralléle... (Je vous l'avais dit, c'est comme un DVD de Lelouch...) 

 

 

<< Précédent - Sommaire - Suivant >>

Publié dans Un peu de fromage

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
Evidemment que tu aurais du lui parler! <br /> Il y a mille manières d'aborder les gens intelligemment dans un train. Parfois un sourire peut suffire... Pas à la minute où tu t'assois, bien sûr, parce que si elle est moins intéressante qu'elle n'y parait, il te reste encore tout le trajet, mais quand vous vous êtes "apprivoisés" et habitués à la présence de l'autre.<br /> Je suis d'avis que les trains ont un grand potentiel et qu'ils remplacent les bals populaires d'antan! D'ailleurs, ils l'ont bien compris...
Répondre
L
1) Aucune idée. Mais si elle le lisait si avidement, c'est qu'elle devait sans doute y chercher des réponses. Peut-être même était-elle de ce fait dans l'humeur adéquate pour une rencontre romantique.2) Les baskets ont tendance à faire paraître les pieds plus petits. Je dirais 39.3) Elle a été amusée de t'avoir surpris la regardant dormir, ça c'est certain. Mais peut-être même cela lui a-t-il plu. Peut-être encore pensait-elle les yeux fermés à son charmant compagnon de voyage - tu n'imagines pas ce qu'il y a parfois derrière des paupières fermées.4) Certainement! Enfin quoi, quelle femme n'aimerait pas que l'on mette un peu d'imprévu dans sa vie? Un wagon de train, ce n'est pas un trottoir... Bon après, il faut trouver les mots adéquats pour engager la conversation de façon non-lourde et non-niaiseuse, c'est tout le problème.Voilà! Tu es bien avancé...
Répondre
L
Quelle délicieuse histoire... J'ai quelques idées sur les réponses à tes quetions (sauf concernant l'Arbre aux Secrets, que je n'ai pas lu). Et dire que si elle avait su que tu écoutais Vincent Delerm, peut-être, elle t'aurait sauté sur les genoux en roucoulant... C'est délicieux, les garçons qui écoutent de la musique de filles!Bon, je plébiscite l'histoire des retraités, si elle est aussi bien racontée.
Répondre
G
Le Monologue Shakespearien<br /> <br /> Merci, Souris.. Tu me fais rosir de bon matin... Vincent Delerm n'écrit pas que  pour filles... Je pense même qu'il s'adresse à pas mal de garçons qui reconnaissent, au travers d'une chanson ou d'une autre, une étape de leur vie. Certains en reconnaissent même plus! Sinon, la curiosité est un vilain défaut, mais je suis quand même curieux de lire ta version des réponses!